Je ne sais pas si les journées mondiales servent à quelque chose. En tout cas, j’avais lu sur les réseaux sociaux que le 15 octobre était la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal; en même temps d’ailleurs que la journée internationale des fossiles ou la journée mondiale du lavage des mains… A vrai dire, je ne me sens pas excessivement concernée par cette journée. Si j’ai bien fait 4 fausses couches, je n’ai pas vraiment le sentiment d’avoir vécu des deuils périnataux. Un deuil pour moi, c’est de perdre un « vrai » bébé et même si deuil d’une grossesse il y a au moment de la fausse couche, je n’ai pas, je crois, eu de deuil d’un enfant existant ou imaginé à faire. Cependant, je ne peux pas le nier, ces épreuves m’ont impactée et ont de conséquences sérieuses à mon sens sur ma façon de vivre cette dernière grossesse.
Il y a seulement un an, je croyais que l’infertilité, c’était chez les autres. Je nous pensais « immunisés », avec nos 2 enfants en 19 mois. Et puis, de fausse couche en fausse couche, d’analyses en mauvais résultats, j’ai appris que l’infertilité secondaire s’était invitée dans nos vies.
Tout le monde sait ce qu’est l’infertilité, mais l’infertilité secondaire est un peu plus complexe. Certains couples, comme nous, n’ont aucun problème pour avoir un premier enfant, et tout simplement « n’y arrivent plus » quand l’envie d’avoir le second ou le petit dernier se fait sentir. Parfois il n’y a pas d’explication médicale, souvent, bien plus souvent qu’on le croit, l’âge est responsable.
Il y a des habitudes que j’aimerais ne pas avoir. Par exemple, celle de savoir à quelle heure aller au laboratoire d’analyses pour ne pas attendre trop longtemps. Ou celle de connaître à l’avance le fait que la dame me dira gentiment qu’elle fait passer mes analyses en urgence, avec un petit coup d’oeil complice et compatissant. Il y a aussi l’habitude d’avoir le numéro du labo qui s’affiche sur mon téléphone, alors que je n’ai pas reçu les résultats. Ils m’appellent toujours pour m’annoncer la mauvaise nouvelle de vive voix, un peu comme si c’était plus facile, peut être pour eux, ou pour moi, je ne sais pas.
C’est fou comme les intuitions sont parfois puisantes. Depuis bientôt un an, je vivais avec l’intuition au ventre du « quelque chose qui cloche ». Il y aura eu une première fausse couche avec des tonnes de complications, une seconde, bien plus facile. Et puis ma demande de faire quelques examens. Au fond de moi, je savais bien que quelque chose n’allait pas. Je ne me doutais pas non plus que les examens seraient si mauvais. Quand on commence à rentrer dans le cercle de la médicalisation, on apprend des mots compliqués, des taux, normaux ou pas, ce qui se soigne, ou pas. Moi ce que j’ai ne semble pas se soigner. Je suis vieille, dedans en tout cas.
Il y a quelques jours, je discutais avec ma copine Maman de Ouistiti. Après une énième annonce de grossesse d’une connaissance, je lui partageais ma frustration. Pas celle de ne pas être enceinte, non. Celle de revivre à travers les annonces des autres mon propre échec. Cette fausse couche, les 6 mois d’enfer qui ont suivi, avec environ toutes les complications possibles et plein de mots compte triple digne d’un scrabble gynécologique: rétention trophoblastique, hémorragie, synéchies utérines, hystéroscopie…
ça pourrait être presque drôle si chaque jour ne me rappelait pas à mon sort de mauvaise mère, celle qui n’a pas su donner la vie. Ce qui est étrange, c’est que j’ai du mal à me rappeler dans ces moments-là que j’ai 2 splendides petites filles et qu’elles sont mes plus belles réussites. Je ne vois que l’échec monumental, le FAIL absolu, celui de ne pas avoir réussi cette grossesse là et les séquelles aussi bien physiques que psychologiques qu’elle m’aura laissées. Et puis ma copine elle m’a dit quelque chose de très vrai: « tu sais, celles qui arrivent en parlent, celles qui n’y arrivent pas n’en parlent pas autant ».